dimanche 20 février 2011

Remue-méninges

L’hiver cependant finissait ; la belle saison revint, et souvent, comme Albertine venait seulement de me dire bonsoir, ma chambre, mes rideaux, le mur au-dessus des rideaux étant encore tout noirs, dans le jardin des religieuses voisines j’entendais, riche et précieuse dans le silence comme un harmonium d’église, la modulation d’un oiseau inconnu qui, sur le mode lydien, chantait déjà matines, et au milieu de mes ténèbres mettait la riche note éclatante du soleil qu’il voyait. Une fois même, nous entendîmes tout d’un coup la cadence régulière d’un appel plaintif. C’étaient les pigeons qui commençaient à roucouler. (...) Ce mélancolique morceau exécuté par les pigeons était une sorte de chant du coq en mineur, qui ne s’élevait pas vers le ciel, ne montait pas verticalement, mais, régulier comme le braiment d’un âne, enveloppé de douceur, allait d’un pigeon à l’autre sur une même ligne horizontale, et jamais ne se redressait, ne changeait sa plainte latérale en ce joyeux appel qu’avaient poussé tant de fois l’allegro de l’introduction et le finale.

La Prisonnière de Marcel Proust
Les bourgeons commencent à grossir au bout des branches, et hier j’ai vu pour la première fois deux petits oiseaux, minuscules, que je n’avais jamais remarqués dans ces parages. Février passe comme dans un songe.
Il y a un grand fouillis autour de moi. A faire peur. Infernal. Que je prends un malin plaisir à aggraver. C’est un peu comme dans ce jeu où les tuiles s’empilent les unes sur les autres, de plus en plus vite. Malgré tout ce n’est pas étouffant... Ce désordre grandissant n’a d’égal que la joie que je me fais à l’idée de tout ranger. À le réduire en poussière. À fermer les livres, à trier les journaux, à classer les papiers, à ranger les petites boucles d’oreille deux par deux dans leur boîte pour éviter de mettre toujours les mêmes... ça va être bien ! Encore une semaine.

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