mercredi 5 janvier 2011

Hue Cocotte!

Cicéron
Talma disait qu’entre l’acteur et le spectateur il y a l’épaisseur du monde quand l’immensité des siècles n’existait pas. (...) Un jour, dans Brutus, en 1789, Talma, dans le rôle de Proculus, paraît pour la première fois avec une véritable toge romaine et dans toute la sévérité du costume antique : Ah ! mon Dieu, s’écrie Mlle Contat, il a l’air d’une statue. Cette critique était un bel éloge.

De l’Allemagne de Mme de Staël, 1809
Un fantôme du Louvre
Talma, j’ai longtemps cru c’était une femme, maîtresse de Napoléon. Je le confondais même avec Tallien, que je prenais aussi pour une tragédienne. J’en rougis ! En lisant sur  Talma dont les costumes antiques choquèrent les puristes, j’ai soudain vu un lien avec l’expo L’Antiquité rêvée : Innovations et résistances au XVIIIe siècle au Louvre. Je n’y pensais plus puisque j’avais fait une croix dessus... Y aller s’est révélé bientôt irrésistible. Mais la valse d’hésitations qui s’ensuivit dans ma tête avant l’achat de mon billet a failli me rendre folle. Hésiter coupe littéralement les jambes, transforme en statue, je serais un piteux cheval envoyant valdinguer mes cavaliers devant le moindre obstacle ! Quelle innovation ce serait d’arrêter cette fâcheuse et inutile habitude ! Parce que je savais que je finirais pas y aller de toute façon... Alors pourquoi tant tergiverser?

Auguste

En art, nul homme en France n’a été si près de la perfection que Talma. En politique, peu d’hommes ont vu ce qu’il a vu ; ami de Chénier, de David, de Danton et de Camille Desmoulins, il a été un des familiers de Napoléon. En littérature, il avait tout lu, tout étudié, tout compris : aussi sa popularité fut-elle grande. C’est qu’il avait les qualités que nul autre n’avait offertes avant lui à l’enthousiasme du public, la simplicité et la grandeur, la familiarité et la poésie. Puis il possédait encore au suprême degré l’attraction si puissante de la voix et du visage. Il était d’un esprit simple quoiqu’étendu ; c’était en quelque sorte une étoffe qu’il fallait déplier, étendre et secouer pour en voir les magnifiques broderies. Né pendant le dernier quart du dernier siècle, il pouvait relier une époque à une autre. Il avait vu mourir Voltaire, cette torche ; passer Chateaubriand, ce flambeau ; naître Hugo et Lamartine, ces deux étoiles. Toute grandeur s’est approchée de lui, ou l’a rapproché d’elle. Ses mains ont touché un vrai sceptre, sa tête, porté une vraie couronne, ses épaules, soutenu un vrai manteau impérial. Celui à qui Lekain avait appris à jouer Auguste, apprit à Bonaparte à jouer Napoléon.

Alexandre Dumas

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