dimanche 9 janvier 2011

Paris 1 (a)

La colonne de Juillet
Place de la Bastille
Je devais avoir l’air assuré pour qu’on me demande, rue du Faubourg St Denis (qui longe la Gare du Nord), si le nº350 passait par là. Je n’en savais rien.  Ah ! si seulement on m’avait questionnée sur le nº65, j’aurais pu répondre qu’il allait à Bastille en passant par République et que son terminus était Gare de Lyon. Mais avant de trouver son arrêt sous une pluie battante, je verrais passer plusieurs 350, beau pied de nez de la RATP ! Le temps d’un court trajet en bus, le temps de repérer sur la carte le boulevard Henri IV et la rue de Sully, la pluie s’est arrêtée de tomber pour la journée. Cette passante avait dû replier son parapluie quand je suis arrivée, "midi sonnant" , devant la porte de la Bibliothèque de l’Arsenal pour l’exposition La Bastille ou « L’enfer des vivants », pile dans mes intérêts du moment.
L’exposition - on y est accueillis par le bourdon de la Bastille – se tient dans une enfilade de pièces assez étranges, qui avaient perdu leurs ors d’antan : la peinture bleuâtre des murs s’écaillait, les portes étaient surmontées de tableaux dont les scènes champêtres se distinguaient à peine tellement leurs couleurs avaient pâli. On aurait dit que ce décor, délavé, avait été laissé en l’état depuis la mort du marquis Antoine-René de Voyer de Paulmy d'Argenson en 1787. J’aime le bruit que faisaient les pas des visiteurs sur le parquet. Ce crissement, quand  je l’entends, m’indique que je visite une exposition dans un vieux palais, donc que je suis heureuse. Une porte « interdit au public » s’entrebâillait parfois laissant deviner des salles pimpantes... Qu’importe, les nôtres, dans leur lumière tamisée, rayonnaient par les trésors historiques qu’elles contenaient: j’ai encore du mal à croire que j’ai vu les effets de ce pauvre Damiens qui tenta d’assassiner Louis XV et ne fit que l’égratigner... Il le paya très chèrement. Mais ce que j’ai le plus dévoré des yeux – mis à part le croquignolet portrait de Voltaire - ce sont les documents récupérés dans le fossé après la prise de la Bastille, couverts de boue, parmi lesquels on trouve des plumes d’oiseau...


« Mon fils, dit-il, la cour sait vos mérites;
On prise fort les bons mots que vous dites,
Vos petits vers, et vos galants écrits; 
Et, comme ici tout travail a son prix, 
Le roi, mon fils, plein de reconnaissance, 
Veut de vos soins vous donner récompense, 
Et vous accorde, en dépit des rivaux, 
Un logement dans un de ses châteaux. (...)
« Allons, mon fils, marchons. » Fallut se rendre, 
Fallut partir. Je fus bientôt conduit 
En coche clos vers le royal réduit 
Que près Saint-Paul ont vu bâtir nos pères 
Par Charles Cinq. O gens de bien, mes frères, 
Que Dieu vous gard’ d’un pareil logement! 
J’arrive enfin dans mon appartement. 
Certain croquant avec douce manière 
Du nouveau gîte exaltait les beautés, 
Perfections, aises, commodités. 
« Jamais Phébus, dit-il, dans sa carrière, 
De ses rayons n’y porta la lumière: 
Voyez ces murs de dix pieds d’épaisseur, 
Vous y serez avec plus de fraîcheur. » 
Puis me faisant admirer la clôture, 
Triple la porte et triple la serrure, 
Grilles, verrous, barreaux de tout côté: 
« C’est, me dit-il, pour votre sûreté. »  
   Midi sonnant, un chaudeau l’on m’apporte; 
La chère n’est délicate ni forte: 
De ce beau mets je n’étais point tenté; 
Mais on me dit: « C’est pour votre santé; 
Mangez en paix, ici rien ne vous presse. »
   Me voici donc en ce lieu de détresse, 
Embastillé, logé fort à l’étroit, 
Ne dormant point, buvant chaud, mangeant froid, 
Trahi de tous, même de ma maîtresse. 

La Bastille de Voltaire (1717)

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