dimanche 2 janvier 2011

Travail de détective

Le prunus du cimetière de Yanaka à Tokyo
The Flowering Prunus (mei hua), is the most beloved of China's flowering trees. Before the snows have melted, its bursting buds remind one that Spring is on its way. The fairy-like delicacy of the white or pale-pink blossoms contrast greatly with the gnarled old tree. The Flowering Prunus together with the Pine and Bamboo represent the Three Friends of the Cold Season (sui han san yu). From them, those encountering hardships should learn never to falter, for these three flourish despite adverse conditions. Two are evergreen and the third puts forth beautiful blossoms in Winter. In Chinese paintings we often find a Magpie, the Bird of Joy, perched on a branch of the mei hua. This picture means: May Joy forever settle on your brow. Chinese artists favour the following setting for the beautiful blossoms of the mei hua: in the early morning sunshine; against a silvery moon; with a little snow; beside a brook; with a lonely crane; behind a small bridge; under pines; by a treillis fence; over green moss; with a flute in the depth of the forest.

Chinese Flower Symbolism d’Alfred Koehn
Monumenta Nipponica, Vol. 8, No. 1/2 (1952)
S. et moi nous disions que c’était bien agréable de passer des heures à lire, à faire des recherches sur un auteur ou un événement qui nous intéressait, à apprendre une langue étrangère, mais que c’était souvent au détriment d’autres activités plus prosaïques mais nécessaires comme le ménage, les courses, ou aussi agréables et moins solitaires comme voir ses amis, aller faire un tour, se faire une toile...
Tout au long de cette conversation, je pensais au sol de ma cuisine qui aurait bien besoin d’un coup de serpillière, alors que je préfère vibrer à la lecture des aventures de la Marquise de la Tour du Pin à la fin de l’Ancien Régime jusqu’à sa fuite en Amérique sous la Terreur... Mais toutes ces heures que l’on croit « perdues » (parce qu’il y a des taches plus urgentes que nous repoussons aux calendes grecques), ne le sont pas du tout. Et le plus excitant c’est quand une de ces lectures que l’on croyait « inutiles » sur le moment (bien qu’aucune ne le soit, c’est notre culpabilité qui nous les fait prendre pour telles) se révèle avoir été des plus enrichissantes...
En ce moment je lis Tokyo Express de Seichô Matsumoto, dont la quatrième de couverture nous apprend que c’est « un des plus célèbres polars japonais ». Je ne peux plus le lâcher. Il m’obsède, impossible de prévoir la fin, j’en perds le sommeil. Le double-suicide que l’inspecteur Mihara se doit d’élucider a eu lieu dans la baie de Kashii : « Le gouverneur Otomo no Tabito qui passa en ces lieux y déclama : Ah ! les enfants/Qui trempent leurs manches/En ramassant/Les algues du matin. (Manyoshu) ». Otomo no Tabito, c’est un petit petit nom charmant... Par curiosité j’ai cherché à en savoir plus. En fait, le jour de Noël (ici), j’avais choisi un poème de son fiston, Otomo Yakamochi pour illustrer cette fête et la neige que j’avais vue à Green Park. Quelle coïncidence !
Le poème de Yakamochi est le dernier du Man’yôshû, la célèbre anthologie des poèmes du VIIIe siècle qu’il a compilés pour l’Empereur. Avec ce poème il dit adieu à sa carrière poétique : on vient de le nommer gouverneur d’une lointaine province, loin de la capitale. L’Empereur l’éloigne du centre du pouvoir car sa famille a trempé dans un complot. C’est un poème triste car il sait qu’on se débarrasse de lui en l’isolant dans le pays de neige d’Inaba. Je ne savais pas tout cela en choisissant ces vers il y a une semaine.
J’ai passé le premier jour de l’année à lire la vie de Ôtomo Yakamochi. On y parle de l’atmosphère littéraire de Dazaifu, la ville de son enfance, et des banquets littéraires que son père, le Gouverneur-Général, y donnait. Mais jamais on ne mentionne la baie de Kashii et du poème que cite Matsumoto. Pour cela il a fallu que j’enchaîne avec le journal de voyage du moine-poète Sôgi, au XVe siècle qui, passant dans le coin, souligne ne voir aucun enfant et aucune algue, que c’est un endroit froid et désolé : une note en bas de page rappelle le poème d’Otomo no Tabito dans une autre traduction - Oh come my children/To the Kashii Lagoon ;/Let us gather there/The seaweeds of the morning/Till our pure white sleeves be drenched.
J’ai passé des heures délicieuses, plongée dans la poésie japonaise... Il me reste à poursuivre la lecture de Tokyo Express. Je me demande si ce poème aura un rôle à jouer dans la résolution de l’énigme... Quant au sol de ma cuisine, qui a toujours autant besoin d’être briqué, c’est décidé, je "tremperai mes manches immaculées" dans la javel ce matin !

2 commentaires:

  1. Quand les lectures se répondent, c'est toujours un régal !

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  2. Et quand les bloggueuses le font, c'est la meme chose! Bon dimanche! Le ciel est enfin bleu ici!

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